Olivier Dassault

Profil

« Il est juste de dire que la photographie est l’art de la rencontre. Elle peut tout aussi bien être celui de la construction et de la maîtrise. Dans le viseur une forme surgit. C’est un constat, mais tout autant ce peut être un appel, un élan vers d’autres formes. Ici commence la vie des formes. Renversement, dédoublement, fécondité. Du bout de l’objectif des mondes surgissent.

Ce réel qui se fait n’est plus objet de raisonnement et de pensée, sinon sur les formes elles-mêmes. Olivier Dassault les reprend en main, il fait culbuter son appareil, passant du monde tout court à celui de l’imaginaire. Ainsi la photographie se révèle comme touchant à la fois aux extrémités de l’art. Toucher la vérité des choses, là devant, et dévoiler ce qui monte des profondeurs de nous-mêmes.

Les images d’Olivier Dassault nous frappent en premier lieu par leur diversité. C’est qu’elles correspondent à différentes directions de la recherche plastique. D’abord Olivier Dassault est un compositeur, c’est-à-dire un bâtisseur d’harmonies visuelles. A une extrémité de sa recherche il se fait charpentier. Jusqu’à édifier des barricades, des murs de bois solides (Spirit Wall). Mais il ne tarde pas à mettre en danger l’édifice, les poutres s’éparpillent en baguettes de Mikado, ce jeu où le moindre tremblement fait tout s‘écrouler (Manœuvre). Nous voici devant la fragilité de brindilles brûlées emportées par le vent (Aequus). Ainsi Marcel Duchamp laisse-t-il flotter des fils dont il va fixer la chute hasardeuse dans des découpes en bois. Olivier Dassault, dans son exploration des formes possibles, ne craint pas les grands écarts.

Olivier Dassault ne suit pas les chemins de la science. Ses découvertes ne sont pas de l’ordre du résultat mais de la sensibilité. Il accueille le hasard comme les enfants jouent au kaléidoscope. Rappelons que les premières expériences de photographie « abstraite » furent celles d’Alvin Langdon Coburn en 1910, au kaléidoscope, et furent contemporaines des premiers tableaux abstraits de Kandinsky. Je viens d’écrire un mot : « abstrait » que je n’apprécie guère, car il ne signifie rien à mes yeux. Déjà Descartes démontrait que tout dessin et peinture étaient, d’une certaine façon, abstraits : il n’y a là que des taches et des traits. Y voir quelque chose ne sera jamais qu’une interprétation. 

L’artiste court-circuite l’interprétation et va droit à la forme. Je veux peindre la virginité du monde, disait Cézanne. Cependant le malheur veut que lorsque nous parlons d’art, et en particulier de photographie, nous nous mettons à parler d’autre chose, en oubliant qu’il s’agit avant tout de formes et couleurs. 

Ainsi, devant les présentes images, je me sens interpellé par le domaine immense de la science. C’est tentant, en effet. Ainsi devant Oris, devant Big Bang, ai-je envie de parler de l’infiniment grand et de l’infiniment petit. De ce qui apparaît dans les microscopes, les télescopes, les chambres à bulles. Mais tel n’est pas le sujet. Il ne s’agit pas de l’harmonie des sphères mais de ce qui est né de la liberté d’un artiste. Le philosophe pourrait peut-être évoquer, par-delà les temps et les espaces une commune origine, en échos d’infinis. Mais je ne suis pas philosophe, je suis un spectateur. La seule racine commune entre voyance et connaissance serait ici la vibration. Le travail constant sur la vibration, qui imprègne ces œuvres, joint la recherche du savant et la sensibilité de l’artiste. 

Autrement plus intéressant est de parler ici de musique. Car il ne s’agit plus alors de comparaison mais de présence. Olivier Dassault est aussi musicien. Mais s’il ne l’était pas, il le serait malgré tout ici, dans ses tableaux photographiques. Lorsqu’Alfred Stieglitz réalisa sa géniale série des Equivalents, images de nuages, afin de prouver que la photographie pouvait transmettre autre chose que des informations, il osa dire : « Quand mon ami Bloch, le musicien, verra ces images il dira « Musique… Musique ! » Et c’est exactement ce qui se produisit. Bloch regarda et murmura : « Musique… Musique ! »

Mais, même ici, ne nous laissons pas détourner. Certes nous sommes cette fois à l’intérieur de la sphère de l’art. Cependant un regard plus aiguisé décèlerait ici de profondes différences. L’image peut nous entraîner dans une répétition obsédante et chantante (Préambule, mais pourquoi pas Préludes comme chez Liszt), néanmoins il est de l’essence de la photographie d’être cadrée alors que la musique a cette vocation impossible de ne jamais s’arrêter. On dit que composant son Boléro, Ravel voulut d’abord que le schème répétitif s’effaçât et, peu à peu, s’éloignât. Mais il comprit que le thème devait s’enrouler sur lui-même, dans le chaos et la folie, car cela aurait pu ne jamais se terminer. L’œuvre photographique d’Olivier Dassault est une œuvre en exploration. Le Bateau Ivre de Rimbaud anticipe sur l’aviation, si proche d’apparaître. Quête éperdue !

J’ai vu des archipels sidéraux ! et des îles
Dont les cieux délirants sont ouverts au vogueur

Entre les assemblages de charpentes qui structurent l'espace et les trous noirs qui nous entraînent dans leur vertige, l'œuvre d'Olivier Dassault est un combat visuel qui nous mène aux confins du visible. »

Jean-Claude Lemagny - Mai 2014

Biographie

Né le 1er juin 1951 à Boulogne-Billancourt et décédé le 7 mars 2021 à Touques, Olivier Dassault devient ingénieur de l'Ecole de l'Air en 1974, puis titulaire d'un DEA de mathématiques de la décision en 1976, et obtient un doctorat d'informatique de gestion en 1980.

Passionné d'aviation, il a été pilote professionnel IFR et a battu plusieurs records du monde de vitesse. Seul pilote du nom, Olivier Dassault a été également député à l'Assemblée Nationale et Président du Comité Stratégie et Développement du Groupe Dassault. Il a mené de front plusieurs activités mais c'est sans doute sa carrière artistique qui lui tenait le plus à coeur. 

La lumière illumine les regards de ses premiers portraits en noir et blanc. Celle, douce, des artistes de la fin du XIXe siècle. Découverts dès l'enfance, ils inspirent ses premiers clichés. Olivier Dassault débute sa carrière artistique à la fin des années soixante, en empruntant à la peinture son expressionnisme romantique. Ses photographies révèlent alors deux aspects de sa personnalité : d'une part, une interprétation poétique, témoignage de son imaginaire laissant libre cours aux émotions et à l'esthétisme ; d'autre part, une recherche technique constante où la lumière tient une place prépondérante.

Il fait le choix de se libérer de la contrainte du réalisme et explore la couleur comme source d'énergie. Il tente de fixer ou de recréer le mouvement en cultivant les effets. De la courbe des corps à celle du ciel, des paysages aux visions urbaines, son environnement devient la matière de ses explorations. Par ses nouvelles prospections, Olivier Dassault capture les lignes majeures. Cette volonté s'affirme dans des séries structurées et quasi linéaires, par lesquelles il tente de saisir l'écoulement inexorable du temps au piège de sa chambre noir. Fidèle à son Minolta XD7 et à la surimpression à la prise de vue, il modernise son approche et affirme son propre langage photographique.

Olivier Dassault a exposé entre autres à la BNF, à Drouot ainsi qu'à la Galerie Maeght, à la Montresso Art Foundation et à la Galerie Marlborough à New York.

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